jusqu'aux années 80

Coopération transfrontalière jusque dans les années 1980

 

Christian Wille

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« il ne saurait être question d'une population de la Grande Région « naturellement » unifiée, dans une Grande Région historiquement unifiée ». (Pauly 2009: 29). Ou : « En effet, la Grande Région Saar-Lor-Lux est une région qui se caractérise par une hétérogénéité tant culturelle et linguistique que politique et administrative ». (Wittenbrock 2010: 118). On peut donc en déduire que la Grande Région « [...] ne peut pas prétendre à des racines communes, d'où proviendrait sa légitimation ». (Niedermeyer/Moll 2007: 298).

Certaines époques de l'histoire commune ou des structures économiques similaires peuvent toutefois être examinées. On peut par exemple se souvenir de la période entre 1870 et 1918, au cours de laquelle, encouragées par le traité de Francfort (1871), des interdépendances économiques intenses se sont formées entre la Sarre, la Lorraine et le Luxembourg.

Ces relations reposant l'industrie lourde se sont interrompues après la première guerre mondiale. C'est dans ce contexte que Lehners écrit « [...] Saar-Lor-Lux serait devenue une région unie si l'Allemagne avait gagné la première guerre mondiale ». (Lehners 1996: 85)

Carte : Structures de la coopération transfrontalière dans la Grande Région

Carte : Structures de la coopération transfrontalière dans la Grande Région

Christian Wille, Université du Luxembourg

Les brèves relations entre les régions, qui se basaient sur des structures économiques communes, se sont renouées dans les années 1960. En pleine crise des matières premières, les acteurs économiques de l'industrie houillère prennent de plus en plus conscience, que cette situation difficile s'explique notamment par la situation périphérique au niveau national de ces régions.

En 1962, elles organisent la première conférence commune concernant les questions d'aménagement du territoire, à laquelle participent les représentants de la vie économique et politique de Trèves, Luxembourg, Arlon, Metz et Sarrebruck. Les difficultés économiques étant comparables et un consensus existant concernant une stratégie d'action commune à développer, elles décidèrent de défendre leurs intérêts de concert à tous les niveaux nationaux.

Wittenbrock de continuer : « […] la rencontre de 1962 reste importante, car pour la première fois des représentants des élites politiques et économiques agissent ensemble pour faire connaître leurs intérêts régionaux […] ». (Wittenbrock 2010: 124). Cela permet à Kiesinger et de Gaulle de s'entendre, à l'occasion de la rencontre au sommet des 13 et 14 mars 1969 sur la création d'une Commission gouvernementale franco-allemande, qui se rassembla pour la première fois le 19 février 1970.

Libre circulation au niveau de la frontière belgo-luxembourgeoise
Photo : Christian Wille

Suivi une année plus tard par le Grand-duché, ce qui donna naissance en 1971 à la Commission gouvernementale franco-germano-luxembourgeoise (le nom formel de la commission étant : Commission gouvernementale franco-germano-luxembourgeoise mixte pour la coopération dans le triangle du charbon et de l'acier).

Toujours la même année, elle instaure la Commission régionale Saar-Lor-Lux – Trèves/Palatinat occidental, qui est rattachée à la Commission gouvernementale en tant qu'organe exécutif.

Après peu de temps, la Commission régionale Saar-Lor-Lux – Trèves/Palatinat occidental est apparue comme une association importante pour la coopération en termes de politique régionale dans la Grande Région, qui s'est penchée en priorité, jusque dans les années 1980, sur les questions du développement économique et du marché du travail.

Partenaires de l'exécutif
Les premières structures de la coopération transfrontalière se sont formées au début des années 1970 dans un climat de crise et qui reposaient sur des relations inter-état entre l'Allemagne, la France et le Luxembourg.

Commission Intergouvernementale germano-franco-luxembourgeois (1971)
La Commission gouvernementale franco-germano-luxembourgeoise est composée de délégations de représentants des ministères des Affaires étrangères des gouvernements concernés, dont les représentants régionaux sont présents en tant qu'observateurs.

Elle est encore aujourd'hui responsable de la mise en place de conditions formelles pour la coopération transfrontalière et accompagne la coopération du point de vue de la politique étrangère.

Commission Régionale SaarLorLux/Trèves-Palatinat occidental (1971)
La Commission régionale Saar-Lor-Lux – Trèves/Palatinat occidental forme l'organe exécutif de la Commission régionale franco-germano-luxembourgeoise.

Elle a été créée à cette fin par les ministères des Affaires étrangères et est composée de délégations de l'exécutif des quatre régions membres. Pour la préparation des décisions et leur mise en application, elle possède des groupes de travail, dont les sièges sont répartis entre les régions.

Pont de l'Amitié au-dessus de la Sarre entre Kleinblittersdorf et Grosbliederstroff
Photo : Christian Wille

Échange de notes du 16 octobre 1980
La coopération dans le cadre de la Commission gouvernementale franco-germano-luxembourgeoise et la Commission régionale SaarLorLux - Trèves/Palatinat occidental se déroule en fonction des souhaits politiques communs des partenaires.  Environ dix années seulement après la constitution de ces associations, la coopération a été formellement consacrée dans un accord entre les gouvernements de la République fédérale d'Allemagne, la France et le Luxembourg.

Dans l'échange de notes du 16 octobre 1980, les pays confirment vouloir renforcer leur coopération dans les domaines administratif, technique, social, économique et culturel. L'échange de notes de 1980 forme le cadre légal de la coopération en termes de politique régionale dans la Grande Région.

44e séance plénière du  Conseil Parlementaire Interrégional le 28 mai 2010
Source :
Conseil Parlementaire Interrégionalexternal link

Partenaires du législatif
Au niveau législatif, une initiative transfrontalière jusqu'alors unique en Europe voit le jour dans les années 1980. En 1986, des premiers députés des parlements régionaux ont été choisis, dont le rôle est de traiter les questions transfrontalières.

Sept députés du Parlement national luxembourgeois, du parlement régional wallon, du conseil régional lorrain et du parlement de la Rhénanie-Palatinat travaillent ainsi ensemble au Conseil Parlementaire Interrégional (CPI) .

Si le conseil ne possède certes aucune compétence législative, il est toutefois considéré comme une assemblée parlementaire consultative de la Grande Région et il donne son avis à travers des recommandations et des prises de position. Les travaux sont préparés par un permanent et par des commissions avant d'être discutés lors des séances plénières annuelles. Le Conseil Parlementaire Interrégional a joué un rôle d'exemplarité lors de l'introduction du Conseil du Rhin Supérieur (Alsace, Pays de Bade, Suisse du Nord, sud du Palatinat) (BMVBS: 2011: 28).

Partenaires économiques et sociaux
Les premiers développements termes de structures de coopération transfrontalières entre les partenaires économiques et sociaux de la Grande Région remontent aux années 1970, marquées par la crise, au cours desquelles la coopération transfrontalière est née en raison des difficultés économiques et sociales.

Conseil syndical interrégional (1976)
C'est ainsi que se nommait la première représentation de travailleurs transfrontaliers créée en 1976 en Europe. Les organisations de représentation des travailleurs de Sarre, de Rhénanie-Palatinat, de Lorraine et du Luxembourg appartiennent au Conseil syndical interrégional (CSI). Ensemble, ils défendent les intérêts des employés et font tout leur possible pour façonner la politique au niveau transfrontalier au niveau social. La conférence commune des partenaires, l'organisme directeur et l'organisme directeur gestionnaire sont les organes du Conseil syndical interrégional.

Conseil Interrégional des Chambres des Métiers Saar-Lor-Lux (1989)
Les partenaires de l'artisanat se sont regroupés avec le Conseil interrégional de la Chambre des artisans Saar-Lor-Lux, pour développer coopération informelle existant depuis 1977 et la consacrer formellement.

Les Chambres des artisans de Sarre, de Rhénanie-Palatinat, de la Moselle, de la Meurthe-et-Moselle, de la Moselle, de la province belge de Luxembourg et du Luxembourg font partie du conseil. Elles facilitent l'échange d'information et d'expérience transfrontalier en termes d'artisanat et défendent leurs intérêts face aux acteurs régionaux, nationaux et européens. L'organisme directeur, avec le président, cinq vice-présidents et un secrétaire général, est au sommet du Conseil interrégional.

Pour les prémices de la coopération transfrontalière, il faut retenir que leur développement repose sur les difficultés socio-économiques et sur les éléments moteurs locaux. Après la constitution des premières structures transfrontalières, la coopération en termes de politique régionale a été fixée selon une base légale et une différenciation prudente de la coopération transfrontalière a été instaurée en fonction du niveau des acteurs. À partir des années 1990, la coopération se caractérise par une différenciation et une solidification renforcée des relations de coopération.

Passage de la frontière franco-allemande la Brême d'Or près de Sarrebruck
Photo : Christian Wille